
Cadre européen et national sur l’interdiction progressive des PFAS
dans les systèmes de lutte contre l’incendie
Les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS), également appelées « polluants éternels », sont utilisées depuis des décennies dans les mousses anti-incendie à base de film aqueux (AFFF) en raison de leurs propriétés tensioactives exceptionnelles. Toutefois, leur persistance dans l’environnement, leur mobilité et leur toxicité ont conduit à une mobilisation réglementaire sans précédent à l’échelle européenne et nationale.
1. Réglementation européenne : une dynamique structurée autour de REACH
a. Directive eau potable (2020/2184/UE)
La directive (UE) 2020/2184 sur la qualité des eaux destinées à la consommation humaine impose, à compter du 1er janvier 2026, une limite de 0,10 µg/L pour la somme de 20 PFAS prioritaires, et de 0,50 µg/L pour la somme totale des PFAS détectés. Bien qu’elle ne vise pas directement les systèmes incendie, elle fixe un niveau de référence pour la gestion environnementale des PFAS.
b. Proposition de restriction REACH (ECHA, 2023)
Le 7 février 2023, cinq États membres (Allemagne, Pays-Bas, Suède, Danemark et Norvège) ont déposé auprès de l’ECHA une proposition de restriction globale des PFAS, couvrant environ 10 000 substances. Cette proposition vise à interdire la fabrication, la mise sur le marché et l’utilisation des PFAS dans l’Union européenne, avec certaines dérogations et délais de transition pouvant aller jusqu’à 12 ans, selon les secteurs.
c. Restriction spécifique aux mousses anti-incendie
L’ECHA a également publié un projet de restriction spécifiquement dédié aux mousses anti-incendie. Elle prévoit :
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L’interdiction de mise sur le marché de mousses contenant des PFAS.
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L’interdiction d’utilisation, avec des périodes de transition sectorielles (jusqu’à 5 ans pour l’aéroportuaire, 10-12 ans pour les ICPE à haut risque).
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Des exigences de gestion des effluents et de collecte des eaux usées lors de l’utilisation restante des mousses contenant des PFAS.
2. Réglementation française : un cadre législatif en construction
a. Loi n° 2025-188 du 27 février 2025
La France a promulgué en 2025 une loi spécifique visant à restreindre l’usage des PFAS dans plusieurs catégories de produits, avec un calendrier d’interdiction progressive :
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1er janvier 2026 : interdiction dans les cosmétiques, farts de ski, textiles d’habillement (hors vêtements de protection) et agents imperméabilisants.
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1er janvier 2030 : interdiction étendue à tous les textiles, sauf usages industriels spécifiques.
Cette loi introduit également :
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Une redevance PFAS pour les rejets industriels (principe du pollueur-payeur).
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Une obligation de surveillance des PFAS dans l’eau potable, par les ARS.
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Une trajectoire zéro PFAS pour les ICPE, avec un objectif de suppression des rejets dans un délai de cinq ans.
b. Impact sur les services d’incendie
Bien que les mousses incendie ne soient pas explicitement mentionnées dans les premières phases de la loi, elles sont directement concernées par les projets européens en cours. La loi française anticipe d’ailleurs l’interdiction à l’échelle communautaire en incitant à :
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Remplacer les mousses fluorées par des FFF (Fluorine-Free Foams).
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Nettoyer et décontaminer les systèmes existants, y compris camions et installations fixes, pour limiter le risque de relargage de PFAS résiduels.
3. Absence actuelle de valeurs limites spécifiques dans les réseaux incendie
À ce jour, aucune valeur limite réglementaire n’est encore spécifiée en Europe ou en France pour la concentration maximale de PFAS dans les réseaux incendie (fixes ou mobiles). Cependant :
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Des analyses environnementales de plus en plus fréquentes imposent des seuils comparables à ceux de l’eau potable (0,10 à 0,50 µg/L).
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Les phénomènes de « rebond » (libération progressive de PFAS après un nettoyage insuffisant) ont été largement démontrés (cf. Lang et al., 2022), même après rinçage à l’eau chaude.
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Seules les décontaminations intégrant des solutions physico-chimiques adaptées (pH acide, agents complexants) permettent de ramener les concentrations résiduelles sous les seuils de détection.
4. Enjeux et recommandations
Les exploitants de systèmes incendie doivent dès à présent :
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Identifier les équipements contenant encore des mousses fluorées (stocks, systèmes actifs).
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Mettre en œuvre des protocoles de décontamination robustes, capables d’éliminer les PFAS fixés aux surfaces internes.
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Documenter les actions réalisées pour assurer la traçabilité en cas de contrôle ou d’incident.
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Anticiper l’échéance de juillet 2025, date à laquelle les textes d’application de la loi française seront complétés par décret.
Références
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Plan national PFAS – Ministère de la Transition Écologique (2024)
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Lang, J. R., et al. (2022). "Decontamination and Surface Analysis of PFAS-Contaminated Fire Suppression System Pipes."